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C.K accompagne BDA régulièrement depuis près d'un an maintenant. Ce polar au long cours est l'œuvre d'un seul au scénario, au dessin et à la couleur : Monsieur Stoon ! Faisons plus ample connaissance … |
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Stoon, que recherches-tu en faisant de la bande
dessinée ? Si toutefois tu cherches quelque chose... J'ai longtemps associé « le plaisir de faire de la bédé » et « l’envie de vivre de la bédé ». L'un étant une affaire de passion, l'autre de production. Ce que j’aime dans la bédé, c’est imaginer des personnages, créer des angles de vue différents, tester des mises en page audacieuses et trouver des dialogues décalés. J’aime prendre le temps de dessiner sans aucune pression extérieure. Aujourd'hui, je ne vis pas de la bédé. J'ai un job d'indépendant qui me permet d'en faire quand j’en ai envie, dégagé de toute notion de production. Je suis ravi lorsque mes lecteurs me disent que, dans C.K. notamment, on sent le plaisir que je prends à dessiner. |
Quand et à quelle occasion as-tu réalisé ta première bande dessinée ? À 10 ans, je dessinais sur les tables des restos où m’emmenaient mes parents. D’ailleurs, ma mère emportait toujours un stylo dans son sac. Sitôt installé à table, je reproduisais sur la nappe de papier mes petites histoires d'enfant. Quelques années plus tard, je réalisais ma première planche, inspirée par la scène de Marilyn Monroe au-dessus de la bouche de métro dans 7 ANS DE RÉFLEXION. Le style graphique était fortement influencé sur celui de Vaughn Bodé, auteur américain qui m'a toujours fasciné. Ma première bande dessinée date de 1986 ; une bédé de 20 pages au format A4, en noir et blanc. Elle ressemblait plutôt à un fanzine d’ailleurs. Je l’ai appelée Chroniques. L’édition était financée par un ami et 3.000 exemplaires ont été imprimés. |
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As-tu reçu une formation particulière ? Hormis quelques cours de dessin traditionnel, j'ai appris à dessiner avec les bédés de professeurs prestigieux tels que Bilal, Mézières, Tardi, Druillet, Moebius, Loisel et quelques américains comme Bodé, Frazetta, Jones et Eisner. Je suis assez fier d'être un autodidacte. J'aime l’idée d’apprendre en regardant le travail des autres. J'ai appris hier, j'apprends aujourd'hui et j'apprendrais encore demain. Car comme disait Chepluki, artiste polonais, à propos des autodidactes : « Même si le trajet est plus long, tout est une question de perspectives ! » |
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Depuis que tu fais de la bande dessinée, as-tu rencontré des
personnes qui t'aient conforté dans ce choix ? Des professionnels,
d'autres amateurs, des lecteurs ? Je ne fais pas partie de ceux qui peuvent se reposer sur leur seul talent. Alors toutes les remarques et les conseils sont bons à prendre. Qu'ils viennent d'un professionnel, d'un amateur ou encore d'un lecteur, les commentaires sont toujours galvanisant. Ils motivent dans les moments de doute et donnent de l'énergie pour continuer. Je me souviens de Lewis Trondheim qui m'avait dit à propos d'une de mes anciennes bédés intitulée IL, le cri mécanique : « Lâche toi plus, c'est trop rigide ! » . C'est ce que j'ai essayé de faire, par la suite, dans C.K. À vous de juger ! |
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Ton activité professionnelle, si tu en as une, a-t-elle à voir avec le monde de la bande dessinée ? D'une manière indirecte, oui. Après un BAC et quelques petits boulots, j'ai été graphiste. Ma curiosité pour les nouvelles technologies m’a poussé vers le multimédia et aujourd’hui je suis infographiste free-lance. Professionnellement, je reste immergé dans un univers créatif. En fait, je m'aperçois que je n'ai jamais arrêté de dessiner… |
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Outre la bande dessinée, tu pratiques aussi le
dessin de presse et tu as publié un livre pour enfants. Peux-tu nous en
dire un peu plus ? |
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La publication est-elle une finalité à tes yeux? Quels rapports
entretiens-tu avec le lecteur ? Après le plaisir de créer, il y a l'envie de montrer. Et la publication est nécessaire pour se faire connaître. Il y a 20 ans, il existait des hebdomadaires et des mensuels de bédé dans lesquels on pouvait découvrir de nouveaux auteurs et donc proposer ses propres planches. Aujourd'hui, il n’y en a presque plus et souvent pour des raisons de rentabilité, ils sont ciblés sur des artistes déjà connus. J’ai été rapidement séduit par les sites de bédé en ligne qui donnent une nouvelle chance aux amateurs, dont je fais partie, de montrer leur travail. Ces sites permettent aussi un contact direct avec nos lecteurs qui ont l’amabilité de nous laisser des commentaires éclairés sur notre travail. Ces sites m’ont offert l’opportunité de montrer mes histoires, qui seraient certainement restées cachées au fond d’un carton à dessin. Je suis à BDA depuis fin 2006. J'y ai découvert un vrai esprit de groupe. Je suis fier de faire partie de cette tribu et ravi des liens noués avec certains de ses membres. |
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Depuis plusieurs mois, tu nous présentes un long récit intitulé
"C.K", mais peux-tu nous parler de tes autres bandes
dessinées ? |
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Revenons maintenant à "C.K"…Ton personnage de Jules est
également présent dans certaines de tes autres histoires. Est-ce un
hasard ? Non, je ne pense pas que ce soit un hasard. Ce personnage existe en moi depuis des années et a évolué au fil du temps. Il a commencé par être un beauf dans La bimbo et le blaireau, une bédé de 4 pages. Ensuite, il a été dragueur, i-phoniste et hypocondriaque dans des planches de tranches de vie. Puis, il s'est retrouvé, sur BDA un soir de Noël 2007, le personnage principal de La disparition du Père Noël, une série courte de 8 planches. Pour finir enfin, héros de C.K. affublé du prénom Jules et d’une charmante partenaire. Sans que je m'en rende compte, ce personnage s'est imposé de lui-même dans mes histoires. Je n'ai pas choisi Jules, c'est lui qui m'a choisi ! C’est un personnage assez singulier avec son visage allongé et son grand nez. Il a quarante ans, porte des lunettes de presbyte et s'habille de manière un peu vieillotte. C'est un anti-héros. Il est plutôt sensible comme le sont les artistes et il est attiré par les femmes qui ont du caractère. Évidemment rien à voir avec son créateur !!! :) |
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Raconte-nous un peu la genèse de ce long récit … |
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Est-ce l'histoire ou le graphisme qui te sert de guide ?
Considères-tu que l'un a plus d'importance que l'autre ? Les deux ont leur importance. Mais quand tu es simplement dessinateur, tu te colles sur les textes et les descriptions du scénariste, c’est lui le maître d’oeuvre. Avec C.K., suis dessinateur et scénariste, donc j’adapte en fonction de mes humeurs et de mes envies. Je me laisse guider par mon crayon quand celui-ci à des choses à me dire et parfois c’est histoire qui décide de tout. Mes rencontres et l’actualité sont également des facteurs importants. Par exemple, dans une de mes planches, Jules a eu un malaise vagal en référence à celui de Sarkozy. |
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Te sens-tu proche d'un courant ou d'une
"école" de bande dessinée ? Quels sont les auteurs qui
t'influencent ? |
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Ta manière de travailler a-t-elle évolué au fil du temps ? Oui bien sûr et heureusement ! J'ai mis en place, au fil du temps, une méthode de travail qui convient à mon tempérament. Je sépare mon travail en deux étapes ; la réalisation de la planche sur papier puis la mise en forme sur ordinateur. Le fait de mettre les couleurs par photoshop est un réel confort pour moi. As-tu un rituel particulier dans ton travail ? C'est le moment le plus exquis... Tu t'isoles dans ton bureau-vaisseau comme si tu partais au bout du monde. Tout est prêt : café, gâteau et fruits. Pas de téléphone. Les écouteurs dans tes oreilles diffusent Enigma, Eric Clapton ou Tangerine Dream. Tu es isolé de tout. Tu choisis la page storyboardée que tu vas redessiner. Commence le tracé du contour des cases au crayon bleu. Ça y est ! C'est parti... le voyage commence ! |
Combien de temps pour préparer et réaliser une planche ? Comment prépares-tu ? Quelle importance accordes-tu à cette préparation ? La durée de réalisation d'une planche varie en fonction de la complexité des dessins et des différentes étapes. La première étape, c’est la création papier : le crayonné au « bleu » prend environ 2/ 3 heures, l'encrage une bonne heure et le scan 10 minutes. La seconde étape, c’est la mise en forme sur Photoshop : le traitement du scan, la retouche des épaisseurs de trait, la mise en place des textes et les couleurs prennent entre 3 et 4 heures. À chaque étape, l'état d'esprit est différent. La première étape est la plus intéressante parce que la plus créative. C'est bien sûr celle que je préfère ! A quels moments de la journée peux-tu travailler ? Tout dépend de ce que je réalise. Pour la création, j'aime travailler la nuit ou le matin très tôt. Le silence est plus propice à la concentration. Par contre, pour la réalisation, il n’y a pas de moment particulier. Je me mets devant mon ordinateur dès que je le peux. |
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Préfères-tu travailler seul ou en collaboration ? Jusqu’à C.K., je pensais « maîtriser » le dessin mais j’étais persuadé que je n’étais pas capable de créer des histoires, je n’étais jamais satisfait de mes scénarii qui n’aboutissaient en fait jamais, ni de mettre mes planches en couleur, je me sentais incapable d’associer les couleurs entre elles. Et d’une certaine manière, c’était une situation confortable et rassurante de travailler en collaboration car je n'avais à ne m'occuper que de mes dessins. Les années passant, je me suis découvert une aptitude pour la narration et me suis surpris à prendre plaisir à travailler la couleur. Aujourd'hui, je préfère travailler seul. Cela évite des discussions interminables pour prendre une décision. Et si je fais des erreurs, je les assume pleinement ! |
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Es-tu particulièrement influencé par un autre mode d'expression ? J'aime beaucoup le cinéma. Les films des Monty Pythons, des Zucker-Abraham-Zucker et des Nuls sont autant de références en matière de second degré. Ils constituent pour moi une excellente source d'inspiration pour les dialogues. Es-tu actuellement pressé de finir l'histoire de "C.K" alors que tu en es à la page 48 ? Oui, car de nouveaux projets attendent… Lorsque j’éditerai C.K. sur le site de TheBookEdition à la fin de l'année, je prendrai le temps de savourer cet album avant de me replonger tête baissée dans une nouvelle aventure. Cela clôturera deux années d'immersion quasi-permanente dans cette histoire et ses personnages. |
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Envisagerais-tu de réaliser, un jour, une bande
dessinée en noir et blanc ? |
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On l'espère aussi ! Un grand merci à toi pour cet entretien ! |
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Interview de Philippe Gorgeot |